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AEMO Action éducative en milieu ouvert - Fondation Carrefour

Par Bernard Marchand et Agathe Voirol

La Fondation Carrefour, créée en 1965, est une fondation privée, subventionnée par le Service de la Protection de l'Adulte et de la Jeunesse, département de l'éducation et de la famille du canton de Neuchâtel. Depuis le 1er janvier 2013, elle est la seule fondation neuchâteloise à ne travailler que dans le domaine éducatif ambulatoire. Elle comprend deux antennes AEMO (action éducative en milieu ouvert) couvrant l'ensemble du territoire cantonal et le SER (Service d'Education de Rue) travaillant selon la charte romande des travailleurs sociaux hors murs.

Le travail éducatif ambulatoire

L’AEMO apporte un soutien à des enfants et jeunes de 0 à 18 ans qui rencontrent des difficultés avec leurs parents, mais également, à des parents qui rencontrent des difficultés avec leurs enfants. En ce sens, l’AEMO accompagne des familles fragilisées, ou en risque de l’être, dans le but de leur permettre de retrouver des conditions de vie qui soient suffisamment bonnes pour le développement et la stimulation de leurs enfants. Depuis près de quatre ans, les services AEMO développent également des prestations complémentaires de travail en groupe. Ces prestations (groupe de paroles pour les parents, groupe ados, groupe estime de soi, week-end papas, journées ressources) se veulent un complément au travail individuel qui se fait dans le cadre des suivis traditionnels.

 Des principes pour guider l’intervention

Bien avant de pousser la porte de l’AEMO, la famille a déjà effectué un grand pas en acceptant de se considérer « en difficulté ». Ce nécessaire préalable peut avoir été effectué avec l’aide d’une enseignante, d'un assistant sociale de l'Office de Protection de l'Enfant, d’une éducatrice en crèche ou par un ou plusieurs membres de la famille. Lorsque cette famille s’apprête à livrer son histoire, ses espoirs, ses croyances, ses craintes ou ses interrogations, cette démarche lui octroie le droit d’attendre à être sincèrement accueillie, entendue, comprise et soutenue par l’intervenant qui l’accueille.

En partant de ce que les personnes sont, font et rêvent, les intervenants AEMO adoptent une attitude qui les amènent à se distancer des stéréotypes sociaux qui pourraient polluer ce genre de rencontre. Les personnes n’ont pas à être enfermées par des impressions spontanées, qui se révèlent, par ailleurs, bien souvent faussées. Ainsi, l’AEMO cherche à offrir un sincère accueil de l’autre, accueil qui se veut inconditionnel.

Lorsque nous parlons de respect du système et du modèle familial dans son environnement, il est question de considérer différents aspects de la vie des familles sans chercher à porter de jugement. L’environnement de vie, les facteurs culturels qui peuvent entrer en compte, ou encore les modes de relations instaurés. Il ne s’agit pas pour l’intervenant et les familles de réinventer une nouvelle histoire familiale, mais bien de composer avec les éléments qui font leur existence, pour viser le changement souhaité.

Ce ne sont pas les intervenants ou une autorité supérieure qui décident de qui frappe à la porte du service AEMO, bien que des familles puissent y être invitées. En règle générale, à Neuchâtel, les familles viennent à l’AEMO de leur propre gré,  lorsqu’elles se sentent prêtes. Les suivis débutent lorsque la famille y est décidée. Dans l’idéal, cette démarche volontaire encourage une forte implication, du moins tant que la famille y perçoit un moyen de redonner du sens à son quotidien. Cette implication permet aux familles de peu à peu redevenir les actrices de leur vie.

Les professionnels de l'AEMO soutiennent et renforcent cette attitude en valorisant les ressources et les compétences de chacun des membres de la famille, l’intention étant d’encourager la responsabilisation de ces membres dans leurs différents rôles.

Bien que le service soit entièrement gratuit pour les personnes demandeuses, un véritable engagement personnel dans la démarche éducative est attendu de leur part. Cet engagement dépasse  l’implication ; les personnes ne sont pas seulement concernées par leur situation, elles en sont parties prenantes. Cette affirmation est vraie autant pour les membres de la famille que pour  l’intervenant qui s’insère de manière ponctuelle dans la dynamique familiale.  

De ce fait, un partenariat entre la famille et l’intervenant AEMO est nécessaire et indispensable. Ce n’est que de cette manière qu’il est possible de fonder un projet en co-construction ; projet qui soit à la fois adapté aux familles et aux moyens et possibilités du service. Par l’engagement réciproque et l’adaptation mutuelle, les familles regagnent progressivement  confiance et autonomie dans la gestion de leurs difficultés.

Au-delà du travail effectué directement avec la famille, la fonction des intervenants AEMO se développe également en collaboration avec les réseaux primaire et secondaire de la famille. Ici, l’intention est d’établir et de développer des ponts entre les personnes et services qui sont plus largement impliqués dans les situations familiales. Grâce à un partenariat professionnel qui est établi en cohérence avec les différents besoins de la famille, les liens et la confiance entre l’ensemble des membres du réseau sont favorisés. De cette manière, les différents membres de ce réseau peuvent être perçus comme des ressources externes aux familles, sur lesquelles ces dernières peuvent s’appuyer. La famille n'ayant pas toujours une vue d'ensemble du réseau l'entourant, le rôle de l’intervenant consiste également à l'aider à s'intégrer auprès des professionnels et à identifier les personnes pouvant répondre à ses différents besoins. Cela  peut permettre de stimuler l’autonomie, la création ou la restauration de liens de manière plus globale. Dans certains cas, l’intégration sociale des familles s’en voit ainsi favorisée. Quel que soit le moment du suivi, tout intervenant AEMO a pour principe fondamental l’intérêt supérieur de l’enfant. Le travail effectué avec les familles, notamment autour du soutien à la parentalité, est toujours réalisé dans le but de satisfaire les besoins liés aux diverses dimensions et stades de développement des jeunes et des enfants.

Une  intervention basée sur des valeurs

Plus largement, la Fondation Carrefour démontre un attachement à quatre valeurs, qui viennent appuyer les différents principes évoqués jusqu’ici, en lien avec la déclaration des Droits de l’enfant.

  • La première valeur est le respect inconditionnel de la diversité, sous toutes ses formes.
  • La seconde requiert une intolérance envers tout acte portant atteinte à la dignité des personnes, et un refus de la violence.
  • La troisième exige l’adaptation de l’intervention aux besoins et au fonctionnement des familles.
  • La dernière encourage une attitude non jugeante, mais critique de remise en question ; une attitude qui ne laisse pas considérer les événements, observations ou croyances comme étant des vérités figées.

Comme l’intervention est guidée par différents principes et valeurs, l’idée plus globale est d'empêcher que des difficultés s’installent durablement et d’ainsi permettre aux familles d’améliorer leurs conditions de vie, afin qu'elles retrouvent un fonctionnement satisfaisant. La mission de l’AEMO doit permettre aux familles, dans la mesure du possible, de retrouver les ressources nécessaires pour rétablir leurs capacités d’agir.

 Un service inscrit sur la durée

Du moment où la famille pousse la porte de l’AEMO jusqu’à celui où le suivi se termine, plusieurs mois s’écoulent. La durée d’un accompagnement est généralement de 18 mois, durée qui peut être prolongée ou raccourcie en fonction des besoins de chaque famille et, bien-sûr, en fonction de l’évolution de chaque situation particulière. Les trois premiers mois visent en général à faire connaissance, construire la relation éducative et réunir les informations qui permettent de mieux cibler les problèmes rencontrés. Une fois les attentes clairement exprimées et le projet co-défini avec l’intervenant, la famille se met peu à peu en mouvement et ose les changements. Cette deuxième phase peut prendre plusieurs mois, le changement étant aussi une affaire de temps. La troisième et dernière phase consiste, pour la famille, à prendre conscience de l’évolution parcourue et à tirer profit des acquisitions réalisées pour la suite, une fois la porte de l’AEMO refermée…